Cycle : Ecrire les histoires de l'art d'Asie du Sud-Est : la monographie de l’artiste. #1 Patrick Flores

Comment la monographie d’artiste a-t-elle été adoptée au sein des histoires de l’art du Sud-Est Asiatique ? Quels enseignements pouvons-nous tirer de ses applications et quelle peut être sa pertinence dans l’élaboration de récits historiques sur l’art de cette région ? Face à l’état souvent lacunaire des archives – situation difficile à laquelle sont confrontés de nombreux étudiants et spécialistes de l’art d’Asie du Sud-Est – il s’avère nécessaire de concevoir des stratagèmes pour contourner ces particularités et ces défis contextuels. On examinera notamment ce que des disciplines connexes à l’histoire de l’art peuvent offrir en matière d’outils de pensée et de méthodologies, pour enrichir la façon dont nous regardons, concevons et approchons les interrelations entre la vie, l’époque et l’œuvre d’un.e artiste. Ce sont quelques-unes des questions posées par les cinq invités de ces webinaires dans les réflexions qu’ils et elles consacrent à des artistes de l’Asie du Sud-Est. 

#1 Patrick FLORES
Une migrante dans le grenier : Nena Saguil au regard de la spécificité du site

Comment peut-on rechercher et trouver une femme artiste originaire des Philippines à Paris, des années cinquante jusqu’aux années quatre-vingt-dix ? Tout au long de l’enquête et de son aboutissement se dessine une méthode de « recherche » qui soulève la question des moyens et des modalités de l’histoire de l’art. 
Nena Saguil (née en 1914) est arrivée en France en 1954 pour étudier l’art après avoir déjà exposé à Manille dès la fin des années quarante. A Paris, elle a présenté son travail à la Galerie R. Creuze, à la Galerie S. De Coninck, à la Galerie Valerie-Schmidt, à la Galerie Daumier et a participé à des expositions organisées par le Musée d’art moderne de Paris et la Biennale de Paris en 1961, entre autres. Si Saguil n’a pas été complètement invisible, ni au sein de la scène elle-même ni dans les réceptions critiques de celle-ci, sa présence peut être décrite comme intermittente. Cette intermittence s’avère productive car elle révèle les manques et les fruits de l’historiographie. D’une part, elle met en lumière l’historique des expositions de Saguil, l’acquisition de ses œuvres par l’Etat français et les recensions consacrées à son œuvre par la critique parisienne. D’autre part, elle nous confronte aux aspects jusqu’ici peu étudiés de l’histoire de l’art moderne français : le rôle de galeristes femmes, telle Suzanne de Coninck qui s’intéressait à la cybernétique, le propos sur le « spirituel » dans l’art transmis par une artiste abstraite des Philippines, et la possible constellation d’artistes émigrées du Sud Global à Paris, qui exige une histoire de l’art écrite à partir d’un site spécifique, où le regard et la localisation sont déplacés.

Patrick Flores est professeur au département des études artistiques de l’University of the Philippines et directeur adjoint à la National Gallery Singapore. Il est le directeur du Philippine Contemporary Art Network. Il a été membre invité à la National Gallery of Art de Washington, D.C., en 1999. Parmi ses publications, citons Painting History : Revisions in Philippine Colonial Art (1999) ; Past Peripheral : Curation in Southeast Asia (2008) ; Art After War : 1948-1969 (2015) ; et Raymundo Albano : Texts (2017). Il a été chercheur invité du Getty Research Institute à Los Angeles en 2014. Il a été directeur artistique de la Biennale de Singapour 2019 et organisateur des forums pour le pavillon de Taïwan à la Biennale de Venise en 2022. 

Yin Ker est conservatrice associée pour l’Asie du Sud-Est au Musée national d’art moderne - Centre Pompidou. Elle doit sa formation en histoire de l’art à la Sorbonne, en France, où elle a achevé, en 2013, son doctorat sur le plus grand moderniste de la Birmanie (Myanmar), Bagyi Aung Soe. De 2014 à 2021, elle a enseigné l’art bouddhique et les arts de l’Asie du Sud-Est en tant que maître de conférences à la Nalanda University, en Inde, puis à la Nanyang Technological University, à Singapour. En 2010, elle a été co-commissaire de la première exposition majeure de l’art contemporain birman, « plAy: Art from Myanmar Today », organisée en dehors de la Birmanie avec le soutien de l’Osage Art Foundation, puis en 2021, de la première exposition majeure de Bagyi Aung Soe au Centre Pompidou.

_{Crédits de l'image : Marc Vaux, plaque de verre, reproduction d'oeuvre de Nena Saguil (1914-1994), Espace inhabité, encre sur papier, 1966 © Bibliothèque Kandinsky, MNAM/CCI, Centre Pompidou - Dist. RMN-Grand Palais, MV 10607}

Une conférence animée par Yin Ker, Adjunct Curator, Musée national d'art moderne, Centre Pompidou & amis du Centre Pompidou.

Interventions en langue anglaise.

En ligne sur Microsoft Teams et sur place dans la Salle de l’École Pro, Niveau 4, Centre Pompidou, Paris.

Accès uniquement sur inscription préalable.

Organisé par Bibliothèque Kandinsky et Musée national d’art moderne - Centre Pompidou. 
Cet évènement bénéficie du soutien de la KD Collection et des amis du Centre Pompidou.