Emeline Jaret
À la fin des années 1970, Philippe Thomas choisit d’investir le champ de l’art pour interroger le statut de l’auteur et la valeur discursive de l’œuvre, à travers l’expérimentation d’une fiction du faire. Jusqu’en 1995, il produit une œuvre pluridisciplinaire qui circule entre le voir et le lire, la fiction et le réel, pour mettre à l’épreuve sa propre auctorialité. Les archives personnelles de l'artiste ont rejoint les collections de la Bibliothèque Kandinsky en 2011. A l'instar de l'instrument de recherche du fonds, différents éléments ayant été numérisés sont accessibles en ligne.
En débutant sa carrière en 1977, Philippe Thomas expérimente différents médiums artistiques ou littéraires avant d’affirmer sa volonté d’investir pleinement le champ de l’art contemporain. Au tournant des années 1980, il choisit alors de mettre à l’épreuve sa propre auctorialité à travers une œuvre pluridisciplinaire qui circulera entre le voir et le lire, la fiction et le réel. À partir de 1985, l’ensemble de sa démarche organise la disparition de son nom en tant qu’auteur de ses productions, remplacé – ou caché – par la signature de ses collectionneurs et collectionneuses. Jusqu’à son décès du sida en 1995, Philippe Thomas produit ainsi une œuvre prolifique portée par une exploration des limites possible de cette révision du droit au registre des auteurs et une tentative constante de brouiller les frontières théoriques entre réalité et fiction.
Les archives personnelles de Philippe Thomas ont rejoint les collections de la Bibliothèque Kandinsky en 2011 pour constituer un important fonds multi-supports, source essentielle de l’œuvre de l’artiste, dont l’instrument de recherche est en ligne depuis 2013. Fin 2024, la mise en ligne des numérisations de différents éléments du fonds est une étape fondamentale pour la diffusion de cette œuvre à travers non seulement la compréhension directe du processus créatif de Philippe Thomas, mais aussi par la visibilité de sa circulation sur la scène artistique et intellectuelle entre 1977 et 1995. Le classement du fonds Philippe Thomas suit, en effet, la vie et l’organisation de l’œuvre de l’artiste, qui défendait une conception de l’art comme un processus de recherche.
Parmi les archives numérisées, trois grands ensembles ont été privilégiés : (1) des travaux et poèmes inédits que Philippe Thomas réalise pendant ses premières années de carrière, jusqu’au projet AB (THO 4-6, 1977-1980) ; (2) des projets et dessins de la période new-yorkaise de l’artiste, qui correspond à la transition entre le Fictionnalisme et la création de l’agence readymades belong to everyone® (THO 31, 1986-1987) ; (3) un important ensemble de notes de travail de Philippe Thomas, réparties entre des cahiers, carnets et différents dossiers (THO 95-117, 1978-1995). Cette nouvelle mise en ligne permet de compléter celle des archives audio-visuelles, précédemment réalisée par la Bibliothèque Kandinsky. Ces précieux extraits du fonds Philippe Thomas offrent enfin la possibilité de suivre ou découvrir l’itinéraire d’une fiction qui se déploie tant dans l’œuvre que dans ses marges.
En vignette: Philippe Thomas, Carnet 6 (19 décembre 1984 - 28 mars 1985)
Centre Pompidou, Mnam-CCI, Bibliothèque Kandinsky, Fonds Philippe Thomas THO 102
Photo: © Centre Pompidou, MNAM-CCI, Bibliothèque Kandinsky/Fonds Philippe Thomas/Dist. GrandPalaisRmn