Derrière les portes de l'atelier

Les archives de travail de Pierre et Gilles attestent du foisonnement des sources d’inspiration et des références iconographiques que les deux artistes incorporent à la création de scènes qu’ils élaborent et photographient au sein de leurs appartements-ateliers successifs, situés d’abord dans le quartier des Blancs-Manteaux à Paris, puis près de la place de la Bastille et actuellement au Pré Saint-Gervais.
 

Le couple décrit ainsi son processus créatif dans le livre de Chloé Devis, Derrière l’objectif de Pierre et Gilles. Photos et propos, Paris, Hoëbeke, 2013, p. 4-5 :

« Si elle a évolué au fil du temps, notre démarche est restée fidèle à une dimension artisanale fondée sur la conception d’un décor en studio, comme au théâtre ou au cinéma, à la prise de vue en argentique et au travail de peinture sur le tirage qui fait de chacun d’entre eux une œuvre unique. [...] « Chaque œuvre est donc le fruit de plusieurs semaines de travail et de la confrontation de deux temporalités, celle de la photographie, liée à l’instantanéité, et celle de la peinture qui représente un long processus. »

Le classeur de planches-contact en couleur et noir et blanc, de polaroïds et de croquis préparatoires qui porte la cote PG 1 (ensemble numérisé) illustre leurs séances de travail en studio, dans un esprit making-of et révèlent quelques secrets et étapes de ces mises en scène : les accessoires utilisés, la fabrication des décors, le choix de la composition et de la posture définitive du sujet à l’aide d’un mannequin...
 

Les croquis de Pierre Commoy, ses photographies préparatoires ainsi que celles prises par Tomah Pantalacci, styliste et assistant de Pierre et Gilles pendant plusieurs années, documentent de manière vivante la dynamique menant à l’œuvre définitive. On peut noter que ces documents, toujours en évolution, ont été pour certains collés sur des feuilles de papier portant, tels des enluminures, quelques croquis et cartouches à l’encre et au crayon de couleur ajoutés de la main de Pierre Commoy au moment du don de ces archives.

La cote PG 2 regroupe des cartons d’invitation et autres supports de communication liés à plus de 50 expositions personnelles et collectives, depuis la première exposition du couple à la Galerie Texbraun en 1983, jusqu’aux grandes rétrospectives françaises des années 1990 à 2010 (Maison européenne de la photographie en 1996, Jeu de Paume en 2007, Musée d'art moderne André Malraux au Havre en 2017, Philharmonie de Paris en 2019). La cote PG 3 est un ensemble d’éphémères liés à d’autres événements et collaboration, notamment dans les domaines de la mode, de la publicité, du cinéma, de la musique, mais également de la prévention du VIH/sida et de la lutte contre l’homophobie et pour les droits des personnes LGBT. Quelques documents, cartes de membres, cartes postales et lettres circulaires sont autant de traces de l’activité de l’activité de l'animation du Fan club Pierre et Gilles par les deux artistes à partir des années 1980.

La grande variété de cartes postales, affiches promotionnelles, disques et leurs pochettes mythiques, livres, K7 audio, DVDs, objets et produits dérivés regroupés sous les cotes PG 7 et PG 8 témoigne de la popularité de leur style, décliné à l’envi sur tout type de supports.

Comme sur une planche de photomaton

Un ensemble original de 3 K7 de répondeur datant de la période 1987-1990 met en évidence les réseaux de sociabilité et les nombreuses collaborations professionnelles du couple (PG BS 1-3, communicabilité restreinte). Comme un prolongement des planches de photomaton, sur lesquelles Gilles Blanchard rassemble les portraits de ses amis et connaissances entre 1968 et 1988, les voix de différentes personnalités et collaborateurs du monde de la mode, de la culture et du spectacle s’entrecroisent, en écho au dense réseau amical et professionnel entretenu par les artistes, consolidé à la faveur des soirées parisiennes, au Palace et ailleurs.

Vive les mariés : des archives engagées

Patiemment constituées par les deux artistes à partir de la fin des années 1979, des revues de presse (PG 9), font état de premiers travaux réalisés individuellement ou en duo, notamment pour la revue Façade, puis d’une pléthorique production commune. De nombreuses revues et des justificatifs de parution classés chronologiquement (PG 10-20) sont la preuve d’un souci d'auto-archivage de leurs travaux présent dès le début de leur carrière. Parmi ces contributions pour la presse, on peut citer les couvertures emblématiques que Pierre et Gilles réalisent pour le quotidien Libération en se représentant en mariés, une première fois en 1996, puis en 2013, à l’occasion du vote de la loi sur le mariage pour tous.

Pierre et Gilles sont également investis dans la lutte contre l’épidémie de VIH/sida, qu’ils évoquent à travers les séries des Pleureuses et des Naufragés (1985-1986), rassemblées lors de l’une de leurs premières expositions à la Galerie Samia Saouma. Par la suite, de fréquentes collaborations avec l’association Aides sont liées à cet engagement.

Une sélection de documents (affiches, journaux, pochettes de disques, cartons d’invitation, planches-contact, polaroids et croquis préparatoires), accompagnés d’une planche de photomatons prêtée par Pierre et Gilles pour l’occasion, ont figuré dans la section « Images militantes » de l’exposition « Over the rainbow », qui s’est tenue du 28 juin au 13 novembre 2023 en galerie 4 du Centre Pompidou.
 

Un corpus de livres, catalogues d’exposition et revues a été catalogué à part par Pascale Hilsz et Laurence Gueye-Parmentier (mention de provenance « Don de Pierre et Gilles, 2022 »).
 

Illustration en vignette : Pierre et Gilles, Affiche promotionnelle éditée pour la sortie du disque 45 tours de Marie France « Je ne me quitterai jamais », Paris, RCA, 1982
Centre Pompidou/MNAM-CCI/Bibliothèque Kandinsky, PG 5
© Pierre et Gilles. Photo : © Centre Pompidou/MNAM-CCI/Bibliothèque Kandinsky/Dist. GrandPalaisRmn

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